CHAPITRE 13

 

L’IA de Mandrake a lu les soldats empilés que nous avons rapportés, sous forme de données en code machine 3D. Elle en a éliminé un tiers sur-le-champ, trop endommagés psychologiquement. Même pas la peine de leur parler. Ressuscités en virtuel, ils se contenteraient de hurler.

Hand a haussé les épaules.

— C’est à peu près standard, a-t-il dit. Il y a toujours du rebut, quel que soit le vendeur. Nous allons utiliser un séquenceur de rêve de psychochirurgie sur les autres. Cela devrait nous donner une longue liste de sélection sans nous forcer à réveiller qui que ce soit. Voici les paramètres que nous cherchons.

J’ai pris la sortie papier sur la table et je l’ai parcourue. De l’autre côté de la salle de conférences, les données des soldats endommagés défilaient sur l’écran mural 2D analogique.

— Expérience des environnements de combat haute rad ? ai-je lu en levant les yeux vers le cadre Mandrake. Il y a du nouveau dont on ne m’a pas parlé ?

— Allez, Kovacs, vous êtes déjà au courant.

Le flash atteindrait les montagnes. Casserait l’ombre des tranchées qui n’avaient pas vu la lumière depuis des éons archéologiques.

— J’avais espéré que ça ne se passerait pas comme ça.

Hand a examiné le plateau de la table comme s’il fallait le cirer.

— Il fallait dégager la péninsule, a-t-il dit avec prudence. D’ici la fin de la semaine, ce sera le cas. Kemp se retire. Appelons ça un heureux hasard.

Une fois, en reconnaissance le long d’une crête des Dangrek, j’avais vu Sauberville resplendir au loin dans le soleil d’après-midi. Elle était trop loin pour que j’aperçoive des détails – même en poussant le neurachem à fond, la ville n’était qu’un bracelet d’argent jeté au bord de la mer. Lointaine, déconnectée de toute chose humaine.

J’ai croisé le regard de Hand de l’autre côté de la table.

— Donc, nous allons tous mourir.

Il a haussé les épaules.

— Cela me paraît inévitable, en effet. En y allant si tôt après l’explosion. Nous pouvons utiliser des clones avec une haute résistance aux radiations pour les nouvelles recrues, et les traitements antirad nous permettront de fonctionner tout le temps qu’il faudra, mais à la longue…

— Oui. Bah, à la longue, je porterai une enveloppe de designer à Latimer City.

— Exactement.

— Quel genre d’enveloppe à tolérance rad avez-vous en tête ?

Autre haussement d’épaules.

— Je ne sais pas trop. Il faut que je parle au bioware. Des Maoris, sans doute. Pourquoi, vous en voulez une ?

J’ai senti les bioplaques Khumalo se tordre sous mes paumes, comme vexées. J’ai secoué la tête.

— Je garde ce que j’ai. Merci.

— Vous ne me faites pas confiance.

— Puisque vous en parlez, non. Mais ça n’a rien à voir. (J’ai indiqué ma poitrine d’un geste du pouce.) Ça, c’est du sur-mesure des Impacteurs. Khumalo Biosystems. On ne fait rien de mieux pour le combat.

— Et l’antirad ?

— Ça tiendra assez longtemps pour ce que nous avons à faire. Dites-moi un peu, Hand. Que proposez-vous aux nouvelles recrues ? Sur le long terme ? Outre une nouvelle enveloppe qui pourrait ou non résister aux radiations ? Qu’est-ce qu’ils auront une fois que tout sera fini ?

— Eh bien, un emploi, a répondu Hand en fronçant les sourcils.

— Ils en avaient déjà un. Regardez où ça les a menés.

— Un emploi à Landfall.

Pour je ne sais quelle raison, la dérision dans ma voix semblait l’avoir atteint. À moins que ce soit autre chose.

— Personnel de sécurité sous contrat pour Mandrake, garanti pour la durée de la guerre ou cinq ans, selon ce qui dure le plus longtemps. Cela satisfait-il vos scrupules de quelliste-anarchiste-défenseur de l’opprimé ?

J’ai soulevé un sourcil.

— Ce sont trois philosophies tout juste apparentées, Hand, et je ne souscris pleinement à aucune. Mais si vous me demandez si cela me semble une bonne alternative à la mort, alors je réponds oui. À leur place, j’accepterais sans doute ce genre d’accord.

— Un signe de confiance, a dit Hand d’un ton glacial. Comme c’est rassurant.

— Si, bien sûr, je n’avais ni ami ni parent à Sauberville. Vous devriez vérifier dans l’historique.

— Vous essayez de faire de l’humour ?

— Je ne trouve rien de drôle dans la destruction d’une ville. Pour l’instant, en tout cas. Mais ça doit venir de moi.

— Ah, voici donc les scrupules qui refont leur apparition ? Comme c’est vilain…

— Ne soyez pas absurde, Hand, ai-je dit avec un maigre sourire. Je suis un soldat.

— Oui, il serait bon de s’en souvenir. Ne vous déchargez pas de vos remords sur moi, Kovacs. Comme je vous l’ai dit, ce n’est pas moi qui ai demandé la frappe sur Sauberville. Elle tombe simplement à point.

— N’est-ce pas ?

J’ai jeté la sortie papier sur la table en essayant de ne pas souhaiter qu’il s’agisse d’une grenade dégoupillée.

— Alors, allons-y. Combien de temps pour faire tourner cette séquence rêve ?

 

D’après les psychochirurgiens, nous respectons plus notre personnalité profonde pendant nos rêves que dans toute autre situation, y compris pendant l’orgasme ou au moment de notre mort. Cela explique peut-être pourquoi nous avons tant de mal à comprendre notre comportement éveillé.

Et cela permet une psycho-évaluation rapide.

Le séquenceur de rêve, combiné au cœur de l’IA de Mandrake avec les paramètres de recherche et un filtrage personnel au sujet de Sauberville, a traité les sept kilos de psychés humaines fonctionnelles en moins de quatre heures. Il nous restait au bout du compte trois cent quatre-vingt-sept possibilités, avec un noyau de haute probabilité de deux cent douze.

— Bon, ben on va les réveiller, a dit Hand en parcourant les profils affichés à l’écran.

Il a bâillé.

Peut-être par méfiance réciproque, aucun de nous deux n’a quitté la salle de conférences tant que le séquenceur moulinait. Et après avoir encore tourné autour du sujet de Sauberville, nous n’avions plus grand-chose à nous dire. Mes yeux me piquaient à force de regarder le défilement des données, mes membres me criaient leur envie de dépenser leur énergie, et je n’avais plus de cigarettes. Le besoin de bâiller s’efforçait de prendre le contrôle de mon visage.

— Il va vraiment falloir leur parler, à chacun ?

Hand a secoué la tête.

— Non, pas vraiment, m’a rassuré Hand. Il y a une version virtuelle de moi dans la machine, avec des périphériques de psychochirurgien branchés. Je vais l’envoyer chercher la meilleure quinzaine. Si vous me faites assez confiance pour cela.

J’ai abandonné et bâillé, furieusement.

— Confiance enclenchée. Vous voulez sortir prendre l’air ? Et un café ?

Nous sommes montés sur le toit.

 

Sur la tour Mandrake, la journée cédait le pas au crépuscule indigo du désert. Vers l’est, les étoiles s’allumaient dans le vaste ciel obscurci de Sanction IV. À l’horizon ouest, on aurait dit que les dernières forces du soleil étaient étouffées sous des bandes de nuages par le poids de la nuit tombante. Les boucliers étaient très faibles, laissant passer presque toute la chaleur du soir, et un vent frais venu du nord.

J’ai regardé autour de nous le personnel de Mandrake, réparti par petites grappes dans le jardin que Hand avait choisi. Assemblés autour des tables ou des bars, ils parlaient d’une voix modulée et confiante. Un Corpo standard d’amanglais moucheté çà et là des musiques locales thaïes et françaises. Personne ne semblait faire attention à nous.

Le mélange des langages m’a évoqué un souvenir.

— Dites-moi, Hand, ai-je dit en ouvrant un paquet de Landfall Lights et en allumant la première cigarette. Qu’est-ce qui s’est passé au marché, aujourd’hui ? Le langage que vous parliez tous les trois, les gestes de la main gauche ?

— Vous n’avez pas deviné ? a dit Hand en posant son café après en avoir pris une gorgée.

— Du vaudou ?

— On peut dire ça comme ça.

Le regard blessé du cadre me disait que lui n’aurait utilisé ce mot pour rien au monde.

— Mais à proprement parler, c’est un terme qu’on n’a pas utilisé depuis un million d’années. Aucun de ceux qui le parlent ne l’appelle comme ça depuis des siècles. Et ça ne s’est jamais vraiment appelé comme ça. Comme tous ceux qui ne savent pas, vous simplifiez.

— Je croyais que c’était le principe de la religion. Simplifier pour les non-pensants.

— Si tel est le cas, a-t-il dit en souriant, alors les non-pensants paraissent bien majoritaires, non ?

— Comme toujours.

— Oui, peut-être. (Hand a bu du café en me regardant par-dessus le bord de sa tasse.) Vous affirmez vraiment n’avoir aucun dieu ? Pas de pouvoir suprême ? Les Harlanites sont pourtant en majorité shintoïstes, n’est-ce pas ? Où appartiennent à une secte chrétienne quelconque…

— Je ne suis ni l’un ni l’autre, ai-je dit platement.

— Alors vous n’avez aucun refuge contre la venue de la nuit ? Aucun allié quand toute la création pèse sur votre petit être comme une colonne de pierre d’un millier de pieds de haut ?

— J’étais à Innenin, Hand, ai-je expliqué en secouant ma cendre et en lui rendant son sourire, presque tout neuf. À Innenin, j’ai entendu prier des soldats sous des colonnes de pierre à peu près de cette taille-là. À ce que j’ai vu, ça n’a pas donné grand-chose. Des alliés comme ça, je m’en passe.

— On ne commande pas Dieu.

— Apparemment. Parlez-moi de Sémétaire. Le manteau et le chapeau. C’est un rôle, non ?

— Oui, a reconnu Hand d’une voix où perlait une haine cordiale. Il a pris l’apparence de Ghede, dans ce cas le seigneur des morts…

— Très astucieux.

— … pour essayer de dominer les plus faibles d’esprit dans la concurrence. C’est sans doute une sorte d’adepte, avec une certaine influence dans le domaine des esprits, mais certainement pas assez pour se faire chevaucher par un tel personnage. Je suis un peu plus… (Il m’a fait un léger sourire.) en place, dirons-nous. Je me suis contenté de le faire savoir. De présenter mes références, si vous voulez. Et de lui signifier que son numéro me paraissait déplacé.

— Bizarre que ce Ghede ne vienne pas le lui dire lui-même, vous ne trouvez pas ?

— En fait, il y a des chances que Ghede, comme vous, perçoive l’humour de la situation. Pour un sage, il est très joueur.

— Vraiment… (Je me suis penché en avant, cherchant un signe d’ironie dans son expression.) Vous croyez à ces conneries ? Je veux dire, sérieusement ?

Le cadre de Mandrake m’a regardé un moment, puis il a basculé la tête pour regarder le ciel.

— Regardez ça, Kovacs. Nous buvons du café si loin de la Terre qu’on a du mal à apercevoir Sol dans le ciel nocturne. Nous avons été portés ici par un vent qui souffle dans une dimension que nous ne pouvons ni voir ni toucher. Stockés en tant que rêves dans l’esprit d’une machine qui pense d’une façon tellement en avance sur notre cerveau qu’elle pourrait aussi bien porter le nom de Dieu. Nous avons été ressuscités dans des corps qui ne sont pas les nôtres, cultivés dans un jardin secret hors du corps de toute femme. Tels sont les faits de notre existence, Kovacs. Alors en quoi sont-ils différents, ou moins mystiques, que la croyance d’un autre monde où les morts vivent en compagnie d’êtres si éloignés de nous que nous devons les appeler dieux ?

J’ai détourné le regard, étrangement gêné par la ferveur de la voix de Hand. La religion est un truc bizarre, et peut avoir des effets imprévisibles sur ceux qui l’utilisent. J’ai écrasé ma cigarette, le temps de choisir mes mots avec prudence.

— Eh bien, la différence c’est que les faits de notre existence n’ont pas été imaginés par un groupe de prêtres ignorants, des siècles avant que quiconque ait quitté la surface de la Terre ou construit quoi que ce soit qui ressemble à une machine. Tout bien comparé, je dirais que cela les rend plus proches de notre réalité que votre monde des esprits.

Hand a souri, apparemment sans prendre ombrage. Il paraissait s’amuser.

— Ça, c’est une vue locale, Kovacs. Bien sûr, toutes les Églises actuelles trouvent leur origine dans des temps préindustriels, mais la foi est une métaphore, et qui sait comment ont voyagé les données qui sous-tendent ces métaphores ? D’où elles venaient, et combien de temps elles ont mis ? Nous marchons au milieu des ruines d’une civilisation qui avait apparemment des pouvoirs divins plusieurs millénaires avant que nous marchions droit. Votre propre monde, Kovacs, est encerclé par des anges aux épées ardentes…

— Eh là !… (J’ai levé les mains, paumes vers mon interlocuteur.) On se calme sur les métaphores. Harlan a un système de plates-formes militaires orbitales que les Martiens ont oublié de désarmer en partant.

— Oui, a concédé Hand avec un geste impatient. Des orbitales construites en un matériau tel qu’il résiste à toute tentative de scan, des orbitales avec la puissance nécessaire pour abattre une ville ou une montagne, mais qui ne détruisent rien que les vaisseaux qui s’élèvent dans les cieux. Qu’est-ce donc, sinon un ange ?

— Une putain de machine, Hand, voilà ce que c’est. Avec des paramètres programmés, sans doute suite à un conflit planétaire…

— Vous en êtes sûr ?

C’était lui qui se penchait sur la table, à présent. Et je me suis surpris à imiter sa posture, ma propre intensité se ravivant.

— Êtes-vous déjà allé sur Harlan, Hand ? Non, c’est bien ce que je pensais. Eh bien moi, j’y ai grandi, et je vous dis que les orbitales ne sont pas plus mystiques qu’un autre artefact martien…

— Quoi, pas plus mystiques que les brins-de-chant ? a-t-il sifflé. Des arbres de pierre qui chantent au lever et au coucher du soleil ? Pas plus mystiques qu’une porte qui s’ouvre comme n’importe quel battant sur…

Il s’est arrêté d’un coup, regardant autour de lui, rougissant de cette bourde évitée de justesse. Je me suis calé dans mon siège en souriant.

— Admirable passion, pour quelqu’un qui porte un costume aussi cher. Vous voulez me vendre que les Martiens sont les dieux vaudous, ou quoi ?

— Je ne veux rien vous vendre du tout, a-t-il murmuré en se redressant. Et non, les Martiens sont très bien dans ce monde. Inutile d’avoir recours aux lieux d’origine pour expliquer leur existence. Je veux juste vous montrer comme votre monde est limité si vous n’y laissez aucune place pour le merveilleux.

J’ai hoché la tête.

— C’est très gentil à vous. Mais rendez-moi un service, Hand. Quand nous serons à destination, ne me bassinez pas avec ça, voulez-vous ? Je vais avoir assez de problèmes sans que vous me sortiez ce genre de choses.

— Je crois ce que j’ai vu, a-t-il dit d’un ton raide. J’ai vu Ghede et Carrefour marcher parmi nous dans la chair des hommes, j’ai entendu leur voix dans la bouche du hougan, je les ai invoqués.

— Ouais, c’est ça.

Il m’a regardé d’un air pénétrant, ses croyances bafouées cédant peu à peu la place à autre chose.

— C’est très étrange, Kovacs. Votre conviction est aussi grande que la mienne. Je me demande simplement pourquoi vous avez tant besoin de ne pas croire.

Ses paroles sont restées entre nous pendant près d’une minute avant que je réagisse. Le bruit des tables avoisinantes avait diminué, et même le vent du nord paraissait retenir son souffle. Puis je me suis penché en avant, parlant moins pour communiquer que pour dissiper le souvenir éclairé au laser qui m’avait frappé.

— Vous avez tort, Hand. J’aimerais avoir accès à toutes ces conneries auxquelles vous croyez. J’aimerais pouvoir invoquer le responsable de cette putain de création. Parce que là, je pourrais le tuer. Lentement.

 

Dans la machine, l’esprit virtuel de Hand a éliminé tous les candidats, sauf onze. Il lui a fallu près de trois mois. À la capacité max de l’IA, trois cent cinquante fois le temps réel, le tout s’est terminé pour nous un peu avant minuit.

L’intensité de la conversation sur le toit était retombée, devant un échange de rêveries expérimental, une sorte de passage en revue des choses que nous avions vues et faites, qui soutenaient notre façon de voir le monde. Puis des observations de plus en plus vagues sur la vie, entrecoupées de longs silences mutuels tandis que nous regardions au-delà des remparts de la tour, jusque dans la nuit du désert. Le bip de poche de Hand a signalé la désactivation du processus comme une note aurait brisé du verre.

Nous sommes descendus voir le résultat, clignant des yeux dans la lumière violente de l’intérieur. En moins d’une heure, peu après la naissance d’un jour nouveau, nous avons éteint le Hand virtuel et nous sommes chargés à sa place dans la machine.

Dernière sélection.

Anges Déchus
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